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«L’Unesco s’engage à promouvoir les formes les plus contemporaines de l’art islamique, les œuvres que les artistes et artisans ont su, au fil du temps, porter vers de nouveaux supports et de nouveaux publics»

Cette année marque la première édition de la Journée internationale de l’art islamique. Il s’agit pour l’Unesco de célébrer non seulement la richesse de ce patrimoine culturel, tissé depuis plus de quatorze siècles, de révérer ses expressions aussi bien matérielles que vivantes, mais également de mettre en exergue ses formes les plus contemporaines et ses réinventions à travers tous les continents. La célébration de cette première édition s’est conjuguée au contexte particulier de la pandémie. Pour cette raison, l’Unesco s’est mobilisée de manière active sur le terrain par le biais de ses Bureaux décentralisés afin d’étendre les efforts de promotion, en développant des outils et supports au moyen du numérique. Le Point.

«L’Unesco s’engage à promouvoir les formes les plus contemporaines de l’art  islamique, les œuvres que les artistes et artisans ont su, au fil du temps, porter vers de nouveaux supports et de nouveaux publics»
Ernesto Ottone R.

Le Matin : À votre avis, quel rôle peut jouer l’art islamique pour rapprocher la civilisation et diffuser une culture de tolérance ? 

Ernesto Ottone R
. : Une vocation fondamentale de la célébration de la Journée internationale de l’art islamique, célébrée le 18 novembre de chaque année, relève d’une sensibilisation accrue des publics à la pléthore de connaissances autour de cet art. À travers nos programmes culturels et éducatifs, nous observons que la diffusion et la transmission de connaissances sur l’art, en général, par le biais de plus grandes synergies entre la culture et le développement de curricula et de programmes éducatifs dans des cadres aussi bien formels que non formels, présentent des atouts majeurs pour le développement de sociétés du savoir. Ce renforcement du lien entre ces deux piliers du développement, la culture et l’éducation, est fondamental dans nos sociétés de plus en plus multiculturelles pour promouvoir le développement du sens critique et de la liberté d’expression des individus, de la diversité culturelle et linguistique, in fine, du «vivre ensemble». Cela est une façon de lutter contre les préjugés, la discrimination et la violence, et de promouvoir les valeurs de dialogue, rappelant que toutes les cultures se sont nourries de manière perpétuelle, au fil des siècles, d’influences, de découvertes, de voyages. 

L’importance aussi de développer des approches pédagogiques dans l’enseignement de l’histoire et de l’art est un facteur essentiel, notamment en direction de la jeunesse, pour promouvoir la sensibilisation et l’appréciation de la diversité culturelle, tout en développant la tolérance et la pensée critique. La transformation numérique accélérée que connaît aujourd’hui notre monde constitue un levier unique de faire progresser davantage cette approche, notamment auprès du jeune public. Nous l’observons de manière particulièrement prononcée au cours de cette pandémie à travers le décuplement de la mise en ligne de contenus culturels. Cela est crucial tant pour assurer la continuité des programmes éducatifs diversifiés que pour stimuler la créativité et renforcer la résilience des individus face à ces conditions inédites. 

Dans la même optique, le projet phare «Histoires» de l’Unesco a permis de publier en 2016 une collection de six volumes thématiques, intitulée «Les différents aspects de la culture islamique» pour souligner l’influence et la contribution de l’art islamique aux différents mouvements artistiques. Cette collection présentait le tout premier aperçu historique et géographique complet de la culture islamique et de sa contribution à la littérature, la philosophie, l’art, l’architecture, ainsi qu’aux sciences et à la technologie. Cette étude a permis de réunir les contributions d’environ cent cinquante chercheurs musulmans et non-musulmans du monde entier, et de favoriser une connaissance plus approfondie de la diversité de la culture islamique et d’en souligner ses contributions à l’Histoire de l’humanité. Cet ensemble de perspectives académiques diverses sur la culture islamique contribue par ailleurs au débat global sur l’Islam et défie de nombreux préjugés et interprétations erronées. 

Quelles sont les actions mises en œuvre par l’Unesco pour sauvegarder le patrimoine culturel traditionnel de l’art islamique et promouvoir ses formes contemporaines ? 

Plusieurs sites et villes du patrimoine mondial illustrent la dynamique de cette histoire profondément mondiale et interculturelle que l’Unesco œuvre à sauvegarder : les ruines d’Anjar au Liban, l’Alhambra en Espagne, la Médina de Fès au Maroc, la vieille ville de Sana’a au Yémen, le Taj Mahal en Inde – pour ne citer que quelques exemples. L’Unesco a par ailleurs mobilisé la communauté internationale autour de ses efforts de reconstruction et le redressement de la vie culturelle de Mossoul en Irak, une ville qui possède une histoire plurielle, au croisement des cultures et des religions du Moyen-Orient. Nos travaux sont axés sur la réhabilitation de son tissu urbain historique, mais également sur la formation de professionnels du patrimoine culturel dans la perspective d’encourager la création d’emplois dans le secteur culturel. De surcroît, plusieurs de nos projets s’appliquent à promouvoir le patrimoine vivant et mettent en lumière le lien que tissent les traditions du patrimoine vivant entre plusieurs pays, notamment entre l’Égypte, la Jordanie, le Liban et la Syrie inspirés, entre autres, de l’art islamique, à travers la calligraphie, le chant et la danse. 

L’Unesco s’engage par ailleurs à promouvoir les formes les plus contemporaines de l’art islamique, les œuvres que les artistes et artisans ont su, au fil du temps, porter vers de nouveaux supports et de nouveaux publics. Nous observons un usage croissant des technologies numériques, de supports tel que le vidéo mapping, dans une optique de création d’œuvres qui permettent notamment d’investir l’espace public. À titre d’exemple, l’artiste graffeur franco-tunisien eL Seed, un des lauréats du Prix Unesco-Sharjah, et ses œuvres de calligraffiti mêlent poésie, calligraphie et art urbain. 

Cette année marque la première édition de la Journée internationale de l’art islamique, il s’agit pour l’Unesco de célébrer non seulement la richesse de ce patrimoine culturel, tissé depuis plus de quatorze siècles, de révéler ses expressions aussi bien matérielles que vivantes, mais également de mettre en exergue ses formes les plus contemporaines et ses réinventions à travers tous les continents. L’art islamique nous donne à voir une vision du monde, dont la pluralité s’est construite à travers une multitude de contacts et d’influences qui se sont forgés au carrefour du bassin méditerranéen, de l’Afrique, de l’Europe jusqu’a l’océan Indien, et à travers des formes d’art des plus diverses, de la poésie au chant, à l’architecture, la céramique, le tissage ou encore la calligraphie. 

De quelle manière l’Unesco fédère et amplifie les efforts de sensibilisation ? 

La célébration de cette première édition de la Journée internationale de l’art islamique s’est conjuguée au contexte particulier de la pandémie. Pour cette raison, l’Unesco s’est mobilisée de manière active sur le terrain par le biais de ses Bureaux décentralisés à travers le monde afin d’étendre les efforts de promotion, en développant des outils et supports au moyen du numérique. Nous pensons à l’Unesco qu’il est important de mobiliser les États membres de l’Organisation, nos partenaires, nos réseaux spécialisés, les institutions publiques culturelles et éducatives, les organisations non gouvernementales, les professionnels de la culture, la société civile – le plus vaste ensemble d’acteurs – afin de fédérer les efforts de promotion et stimuler un effet d’entraînement. Le travail de sensibilisation à l’art islamique va également de pair avec un échange continu entre les pouvoirs publics, les organisations régionales, la sphère scientifique, les éducateurs, les professionnels de la culture, artistes et créateurs. 

Le 25 novembre dernier, l’Organisation du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (Icesco) a organisé un webinaire portant sur le rôle de l’art islamique dans la construction de la civilisation humaine et la diffusion des valeurs de paix. Avez-vous participé à cet événement et est-ce qu’il y a une relation de partenariat avec cette institution ? 

L’Unesco a eu en effet le plaisir de prendre part aux discussions du webinaire organisé par l’Icesco pour marquer la première édition de la Journée mondiale de l’art islamique. L’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (Alesco) et l’Icesco sont, à cet égard, des partenaires privilégiés de l’Unesco et nous sommes heureux d’observer que cette collaboration s’inscrit et se renforce dans le temps. Cet échange a permis d’éclairer l’importance de l’art islamique dans la promotion de la diversité culturelle qui se manifeste par l’étendue de son influence mondiale. Nous espérons pourvoir poursuivre cette dynamique consistant à engager ces deux institutions dans la promotion d’une plus grande synergie entre la culture et l’éducation, piliers du développement durable, notamment à travers des projets de visibilité et d’impact a l’échelle régionale, nationale et locale. 

Nous sommes convaincus qu’allier nos efforts permet de porter le message le plus loin possible et de toucher le plus grand nombre. La Journée internationale de l’art islamique repose avant tout sur cette ambition : faire comprendre et faire connaître la diversité et la vitalité des expressions artistiques de l’art islamique dans la richesse de son passé comme dans la vitalité de son présent afin d’en montrer sa portée universelle et de contribuer, ainsi, à promouvoir un dialogue mondial autour de l’art qui offre un pont privilégié pour le dialogue entre les cultures et la coopération culturelle, et ce à tous les âges. À travers un travail continu de sensibilisation, d’information et d’enseignement des connaissances sur l’art islamique, c’est une fois encore, une voie pour promouvoir le respect de la diversité culturelle, le dialogue interculturel et la construction de la paix. 

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